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Angelica Rieger
La bande dessinée virtuelle du lion d'Yvain.
Sur le sens de l'humour de Chrétien de Troyes
Comedy in Arthurian Literature, hg. v. Keith Busby und Roger Dalrymple,
Cambridge: D.S. Brewer 2002, 49-75 (Arthurian Literature 19) <2003>.
Veröffentlichung im Internet mit freundlicher Genehmigung von Keith Busby sowie des Verlags Boydell and Brewer
Les effets comiques des interventions du lion dans le roman d’Yvain, n’ont-ils pas été commentés à satiété? Ne suffit-il pas de relire Peter Haidu et Charles Méla et de citer leurs formules-clés du comique „absurde“ du Lion-queue-coupée et de l’„héroï-comique“[1] pour se convaincre que, en matière du comique léonin, tout est dit depuis longtemps? Pourquoi donc reprendre la discussion en cette fin de millénaire? Il faut, en effet, une bonne raison à cela – et la voilà: elle tend à prendre Chrétien trop au sérieux. Les interprétations récentes du quatrième roman de Chrétien de Troyes ont tendance à oublier ses côtés comiques; ou bien ils disparaissent derrière ceux de „l’humanisation du lion“, de la valeur symbolique du lion-porteur des qualités chevaleresques ou de sa fonction comme double d’Yvain[2]. Or, il suffit de lire une partie de l’histoire du „Chevalier au lion“ comme „histoire du lion“ pour s’apercevoir du comique irrésistible du „personnage du lion“. Une relecture des six épisodes marqués par sa présence révèlera le caractère de ce comique très voisin de la bande dessinée et dévoilera la proximité du procédé de déclenchement du rire médiéval et du rire d’aujourd’hui[3]. Cette visualisation du texte est moins éloignée de l’esprit du public médiéval qu’il ne semble: D’une part, de nombreuses ‚bandes dessinées‘ véritables en marge des manuscrits médiévaux en témoignent[4]; et d’autre part, le lion apparaît fréquemment dans les enluminures des manuscrits d’Yvain, ainsi que dans bien d’autres manuscrits illuminés[5]. Aussi bien l’enlumineur du manuscrit conservé à la Bibliothèque Universitaire de Princeton, Garrett 125, du dernier quart du XIIIe siècle, que celui du manuscrit parisien BN fr. 1433, du premier du XIVe, pour ne citer que les plus suggestifs[6], semblent déjà avoir concu leurs lions comme des héros de bande dessinée[7]: - Le premier a consacré au lion quatre des six miniatures ornant l’Yvain[8]. La première scène illustrée est celle de la libération du lion aux prises avec le serpent[9] par Yvain; s’ensuivent les trois interventions successives du lion aux combats d’Yvain contre Harpin de la Montaigne, les faux accusateurs de Lunete et les deux géants. Si la première miniature montre un lion hurlant de douleur, la seconde un lion attaquant toutes griffes dehors à un géant, la troisième représente un animal en état d’attente impatiente aux côtés de son maître, prêt à entrer dans le combat et la quatrième un lion arrivant en pleine course sur le lieu du combat, sur le point de s’élancer contre les adversaires de celui-ci. - Dans les huit enluminures de l’Yvain– presque toutes à plusieurs compartiments – du second manuscrit, le lion est presque toujours présent[10]: au début, il n’apparaît que dans les armoiries d’Yvain, sur la couverture de son cheval ou son écu; la suite le montre également aux prises avec le serpent (f. 85), rendant hommage à son nouveau seigneur (ibid.), secourant son seigneur – devant les coulisses d’un bûcher déjà allumé – dans la défense de Lunete (f. 90), participant au combat contre les deux géants (f. 104), accompagnant Yvain et Lunete sur le chemin de retour chez Laudine et couché aux pieds du lit conjugal, la tête tournée – comme pour un dernier clin d’œil – vers le spectateur de la scène (f. 118). Les scènes les plus captivantes que cet artiste ait su créer sont sans aucun doute celle de l’hommage vassalique du lion à Yvain, qui ne reproduit pas le lion debout joignant les deux pattes de devant, mais un animal agenouillé – tant bien que mal, il est vrai – et levant sa tête plein d’humilité vers son nouveau seigneur; ainsi que celle de l’accompagnateur fidèle d’Yvain – trottant comme un chien à côté d’Yvain et de Lunete – et qui semble conduire son seigneur directement au pardon de Laudine – et dans le lit de celle-ci – à la fin du récit. Ces premières tentatives d’une mise en image de la bande dessinée virtuelle crée par Chrétien de Troyes, si poignantes soient-elles, omettent pourtant une scène cruciale, la plus extraordinaire de toutes: celle de la tentative de suicide du lion croyant son seigneur mort. Mais elles me semblent néanmoins révélatrices de la force et du dynamisme du personnage du lion en quelque sorte innés dans les épisodes imaginés par Chrétien. Arrivé à ce point, il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi Chrétien aurait-il dû créér cette bande dessinée virtuelle? A mon avis, la clé de la réponse se trouve dans le concept de la „contextualisation“ du lion esquissé par Dietmar Rieger: „Der Löwe in Chrétiens Yvain ist keine allegorische Figur, doch lernt Yvain ihn kennen, erkennt Yvain ihn durch seine Kontextualisierung in seinem eigenen – kulturell vermittelten – allegorischen Wissen. Ist dieser Prozeß der Kontextualisirung beendet, tritt der Löwe Yvain als handelnde literarische Person mit individuellen Besonderheiten entgegen, an denen sich alle simplifizierend allegorischen Deutungen der Rezipienten immer wieder stoßen und die mit Chrétiens Humor eng verknüpft sind“[11]. Ceci est tout aussi valable pour le public de Chrétien. Ce dernier savait parfaitement qu’il avait affaire à un public qui, dans sa grande majorité, n’avait jamais vu de lions. Or, il fallait faire appel à son imagination et à son indéniable culture visuelle. Ses connaissances iconographiques – complétées par celles d’autres espèces d’animaux, chats et chiens par exemple – et littéraires – surtout des bestiaires – lui permettait, aidé de la bande dessinée virtuelle que Chrétien lui propose, d’imaginer les actions du lion sur la base de son propre imaginaire léonin[12]. Quoi de plus logique pour Chrétien que de transformer cet imaginaire en ‚dessins animés‘ et d’en profiter pour ‚donner vie‘ à son personnage léonin dans des ‚miniatures animées‘? Avant de soumettre par la suite ces épisodes du lion à une lecture comme bande dessinée virtuelle, un petit détour par le monde de de la bande dessinée – rassemblant des „genres aussi diversifiés que le dessin humoristique (et la caricature), l’illustration, la narrration figurative ou son paronyme la figuration narrative“ – est inévitable[13]. Il me permettra de souligner les nombreux parallèles entre le fonctionnement d’une bande dessinée moderne et de celle, purement virtuelle, que Chrétien esquisse pour son lion. 1 Au niveau structurel, le parallèle avec la bande dessinée le plus évident est le suivant: „La bande dessinée a pour vocation de raconter les instants privilégiés de l’existence d’un personnage imaginaire condamné à vivre un éternel présent“[14]. C’est précisément le cas du lion d’Yvain qui, lui, remplit aussi la condition d’appartenir à l’espèce des héros „à caractère fantastique“ (ibid.): Vouée à une éternelle et inébrantable gratitude à son maître dès le premier „instant privilégié de son existence“ (ibid.) narré, celui de son entrée en jeu dans son combat existentiel – au sens strict du terme – avec le serpent, il ne vieillit pas, n’évolue pas, ne mûrit pas. 2 Un second parallèle concerne „la technique spécifique de la bande dessinée“ qui „se caractérise par un découpage du récit visuel en plans exprimant une durée très courte“ (ibid.) et les épisodes du lion dans Yvain. Il suffit de supprimer le mot „visuel“ pour obtenir la définition exacte de la technique narrative employée par Chrétien de Troyes montrant le lion d’Yvain en action: A chaque fois, il entre en scène d’une manière inattendue, voire inespérée et pour une action précise de très courte durée. 3 Il suffit d’y ajouter un troisième élément caractéristique de la bande dessinée, et qui concerne la vélocité de cette entrée en scène et de l’action déterminée qui s’ensuit pour arriver à une description exacte du fonctionnement des épisodes du lion dans Yvain. 4 Cette vélocité, doublée de l’invraisemblance totale des prouesses du héros de bande dessinée, crée des effets comiques renforcés encore par la violence, voire la brutalité au-delà de l’imaginable de ces actions dont le héros se relève néanmoins bientôt sain et sauf pour se replonger dans de nouvelles aventures tout à fait semblables. A l’issue quasi surnaturelle de ces aventures, le rire a une fonction libératrice pour un public traumatisé. Ainsi, le comique des actions du lion l’aide à supporter des situations apparemment intenables commes celles où le „héros de roman“, Yvain, semble être sur le point d’être vaincu et même de mourir. Avec le lion d’Yvain, Chrétien de Troyes semble avoir créé non seulement un héros de bande dessinée, mais encore avoir intégré, dans son récit des aventures du Chevalier au lion, une bande dessinée virtuelle „à suivre“ et en six épisodes dont ce lion est le héros et dont je vous propose une relecture. Ces six épisodes évoquées forment pour ainsi dire une trame comique sous-jacente à l’histoire du Chevalier au lion[15]: 1. La première rencontre d’Yvain et du lion: l’intervention d’Yvain dans la lutte du lion et du serpent en faveur du lion, la gratitude du lion-lige et l’asservissement absolu du lion-chasseur (vv. 3337-3483) 2. Le retour d’Yvain et du lion à la fontaine magique, l’émotion et la blessure d’Yvain et la tentative de suicide du lion (vv. 3484-3547) 3. La première intervention du lion dans un combat, celui d’Yvain contre Harpin de la Montaigne et la création du surnom de „chevalier au lion“ (vv. 3764-3796 et 4213-4286) 4. La deuxième intervention du lion: le secours porté à Lunete et le lion blessé (vv. 4443-4559 et 4646-4696) 5. La troisième intervention du lion: le combat contre les deux géants (vv. 5520-5687); et: 6. Le retour du Chevalier au lion en compagnie du lion à la cour du roi Arthur (vv. 6449-6522). Parallèlement, je me propose d’y étudier les principes récurrents du fonctionnement du comique arthurien à l’exemple du lion-héros de bande dessinée doublée du lion-personnage comique. 1. La première rencontre d’Yvain et du lion Dès la première rencontre d’Yvain et du lion, ce comique l’accompagne. Yvain chevauche „pansis“ (102, v. 3337) à travers une forêt profonde lorsqu’il entend „un cri molt dolereus et haut“ (ibid., v. 3340). Il suit le bruit et vit un lÿon, en un essart, et un serpant qui le tenoit par la coe, et si li ardoit trestoz les rains de flame ardant[16]. Le premier regard d’Yvain aurait pu se poser sur mille autres instants de ce combat. Mais, en dépit de toute vraisemblance – un animal d’une telle force qui n’est pris que par la queue serait très bien en état de se défendre tout seul[17] – Chrétien de Troyes a choisi celui-ci. Visiblement, la gravité de la situation et la double lutte entre le Bien et le Mal qui se livre non seulement sur les lieux du combat, mais encore à l’intérieur d’Yvain, est atténuée par ce clin d’œil ironique qui introduit le lion comme un lutteur passablement maladroit et comme paralysé par cet adversaire diabolique qui crache du feu. Je ne veux nullement mettre en question la portée hautement symbolique de cette scène, mais souligner que – du moins à un premier niveau de lecture – ce lion pris par la queue à un côté indéniablement ridicule. Cet effet comique est renforcé par les vers suivants, où Yvain, qui a bien entendu opté pour la défense du Bien représenté par „la beste gentil et franche“ (103, v. 3371), se voit forcé, pour séparer les deux lutteurs, de couper une partie de la queue du lion: Mes il li covient une piece tranchier de la coe au lïon por la teste au serpant felon qui par la coe le tenoit; tant con tranchier an covenoit en trancha, c’onques moins ne pot[18]. Surtout la fin du dernier vers cité, „onques moins ne pot“, nullement nécessaire à la compréhension de l’action, crée de nouveau une ambiance de soulagement comique. Même la scène de vasselage qui s’ensuit n’est pas exempte de tels éléments: quittant une nouvelle fois le domaine de la vraisemblance – Chrétien et son public, pour approximatives que soient leurs connaissan- ces biologiques en matière léonine[19], savaient très bien qu’un lion ne pouvait joindre ses pattes de devant et s’agenouiller et que les animaux ne pleurent pas. L’effet parodique de cette scène de soumission pseudo-féodale d’un animal à un chevalier en quête de sa dignité perdue ne lui a certainement pas échappé: que ses piez joinz li estandoit et vers terre encline sa chiere; si s’estut sor ses piez derriere et puis si se ragenoilloit, et tote sa face moilloit de lermes, par humilité[20]. Une troisième étincelle comique du même genre luit dans le récit de la chasse au chevreuil, lorsque le lion, après avoir sagement attendu l’autorisation de son seigneur pour poursuivre et tuer sa proie, se charge d’elle comme un braconnier: Qant ocis l’ot, si le gita sor son dos, et si l’en porta tant que devant son seignor vint[21].
2. La tentative de suicide du lion
Penchons-nous maintenant sur la scène du suicide manqué et les réactions du lion croyant son seigneur mort, alors que celui-ci s’est seulement blessé au cou: Li lÿons cuide mort veoir son conpaignon et son seignor; einz de rien n’ot ire graignor qu’il comança tel duel a fere, n’oï tel conter ne retrere, qu’il se detuert et grate et crie[22]. Tout en offrant les signes extérieurs d’un deuil conventionnel, le lion s’empare de l’objet apparemment coupable de la mort de son seigneur pour l’employer à suivre celui-ci dans la mort: et s’a talant que il s’ocie de l’espee, qu’il li est vis qui ait son boen seignor ocis[23]. Et maintenant, il faut voir comment le lion, qui auparavant n’avait aucune difficulté pour joindre ses deux pattes de devant, est incapable de s’en servir pour retirer cette épée du cou d’Yvain et obligé de se servir de ses dents pour cette opération délicate, „A ses danz l’espee li oste“ (ibid., v. 3509). Un spectateur non initié au spectacle pourrait bien conclure de cette position de bête sauvage juchée sur sa proie que le lion s’apprête à dépécer son seigneur plutôt que de le suivre dans la mort[24]. En conjurant la peur ressentie face à cette bête sauvage, ce parallélisme grotesque a dû avoir un effet de détente semblable que l’Yvain-coupe-queue de l‘épisode précédent. La description de la tentative de suicide qui s’ensuit, prendra définitivement des allures de bande dessinée ou, plus exactement, de dessin animé: le lion coince l’épée sous un tronc d’arbre et prend son élan pour s’y jeter en pleine course „comme un sanglier furieux“: et sor un fust gisant l’acoste et derriers a un tronc l’apuie qu’il a peor qu’el ne s’an fuie qant il i hurtera del piz. Ja fust ses voloirs aconpliz quant cil de pasmeisons revint; et li lÿons son cors retint qui a la mort toz escorsez coroit come pors forsenez qui ne prant garde ou il se fiere[25]. Personne ne niera le comique de ce „galop de cochon“ et du brusque freinage du lion qui s’aperçoit au dernier moment que son seigneur est encore en vie. Mais tout lecteur d’Yvain a dû aussi buter contre la collision violente du tragique et du comique dans cette scène du suicide manqué. Évidemment, la scène, tragique en son fond, peut être lue comme le dédoublement et renforcement du désespoir d’Yvain par celui du lion; de même, la tentative de suicide du lion dédouble et préfigure les projets de suicide (également avortés) d’Yvain qui se réfère explicitement à son compagnon: Donc n’ai je ce lÿon veü qui por moi a si grant duel fet qu’il se volt m’espee antreset par mi le cors el piz boter?[26]. Par contre, pour apprécier sa dimension comique, il suffit de se la représenter en bande dessinée ou dessin animé, avec le lion désespéré accourant à toute vitesse et freinant, les pattes en avant, à quelques millimètres de la pointe de l’épée, dans un tourbillon de poussière. Cette double lecture révèle une nouvelle fois le sens de l’humour de Chrétien de Troyes très particulier évoqué au début: souvent lié au tragique, c’est un humour macabre où le rire ne sert souvent que de soulagement – provisoire – à un désespoir autrement insoutenable.
3. L’intervention du lion dans le combat d’Yvain contre Harpin de la Montaigne
Il est possible que le parallélisme qui lie les trois interventions successives du lion dans les combats d’Yvain avec les interventions d’Énide dans Erec – sûrement goûté par le public de Chrétien de Troyes comme preuve de raffinement suprême[27] – ait suffi à lui seul à faire sourire. Mais l’auteur d’Yvain n’en reste pas là: Il fait de ces interventions de brusques irruptions qui surprennent et désarment telles les apparitions de Superman dans une bande dessinée moderne. Le lion, mué en bête redoutable, hérissée et grandie outre mesure, entrave la défense d’intervention de son seigneur et se jette dans le combat pour déchiqueter son adversaire: A ce cop, li lÿons se creste, de son seignor eidier s’apreste, et saut par ire, et par grant force s’aert, et fant con une escorce, sor le jaiant, la pel velue, si que desoz li a tolue une grant piece de la hanche [28]. Le géant blessé, cherchant à se défendre, se trouve tout d’un coup dans un tour de slapstick authentique: et li jaianz li est estors, si bret et crie come tors, que molt l’a li lÿons grevé; le pel a a deus mains levé et cuide ferir, mes il faut, car li lÿons en travers saut, si pert son cop et cheit en vain par delez mon seignor Yvain que l’un ne l’autre n’adesa[29]. Tombé aux pieds d’Yvain, celui-ci n’a plus qu’à lui administrer le coup de grâce: Et mes sire Yvains antesa si a deus cos entrelardez. Einz que cil se fust regardez li ot, au tranchant de s’espee, l’espaule del bu dessevree; a l’autre cop, soz la memele, li bota tote l’alemele de s’espee par mi le foie; li jaianz chiet, la morz l’asproie[30]. Cette prouesse le poussera à se choisir son surnom: li Chevaliers au lÿon vos dis que je avoie non[31].
4. Le lion blessé lors du combat pour Lunete
La deuxième intervention du lion se déroule de manière presque identique que la première, les combattants se mettent d’accord pour exclure le lion du combat, mais lorsque celui-ci voit son seigneur menacé, il accourt pour le secourir: Et li lÿons qui ce esgarde de lui aidier plus ne se tarde, que mestiers li est, ce li sanble[32]. Et avec la même rapidité que la première fois, il met l’armure de son adversaire en pièces en faisant voleter les mailles: Et li lÿons li fet aïe tel qu’a la premiere envaïe a de si grant aïr feru le seneschal, qui a pié fu; ausi con se ce fussent pailles fet del hauberc voler les mailles, et contre val si fort le sache que de l’espaule li arache le tanrun a tot le costé[33]. La seule différence est que cette fois-ci, le lion est blessé et doit quitter le lieu du combat couché dans l’écu de son maître: Si s’an vet pansis et destroiz por son lÿon qu’il li estuet porter que siudre ne le puet. En son escu li fet litiere de la mosse et de la fouchiere; quant il li ot feite sa couche au plus soef qu’il puet le couche, si l’en porte tot estandu dedanz l’envers de son escu[34]. Ainsi, avec ces précautions touchantes d’Yvain pour son lion, ils repartent, de même que la première fois, en laissant leur ‚carte de visite‘: ja del Chevalier au lÿon n’orroiz parler se de moi non: par cest non vuel que l’en m’apiaut[35].
5. Le combat contre les deux „fils de diable“
A la troisième intervention, le lion se transforme, encore plus que les deux premières fois, en monstre terrifiant: Le lyeons comance a fremir tot maintenant que il les voit, qu’il set molt bien et aparçoit que a ces armes que il tienent conbatre a son seignor se vienent; si se herice et creste ansanble, de hardemant et d’ire tranble et bat la terre de sa coe[36]. Mais, enfermé dans sa prison improvisée, le lion, battant la terre – autre détail comique en rapport avec la queue du lion si maltraitée dans sa première aventure – de sa queue comme un chien de chasse avant d’être relâché pour bondir sur sa proie, est condamné à la passivité jusqu’au moment où il trouve un moyen de s’en échapper: comme un chien[37] – ou plutôt un lapin – il creuse le sol en-dessous de la porte: Bien ot les cos de la bataille, qui perilleuse est et vilainne, et por ce si grant duel demainne qu’il anrage vis et forsene. Tant vet cerchant que il asene au suil, qui porrisoit pres terre, et tant qu’il l’arache et s’i serre et fiche jusque pres des rains[38]. Une fois en liberté, le lion reprend sa course forcénée des deux premières interventions vers le lieu du combat pour y semer la terreur, tuer le premier des deux adversaires de son maître et livrer le second à la mort par l’épée d‘Yvain: [...] li lÿons oltre s’an vint, tant ot desoz le suel graté [...] Et si avoit graignor peor del lyeon que de son seignor[39].
Cette peur est pleinement justifiée et à la fin du combat – véritable miracle de teamwork d’Yvain et de son lion, digne d’un de ces grands numéros de cascadeurs si chers au dessin animé –, le géant survivant n’a plus qu’à se rendre en suppliant Yvain: „Ostez vostre lyeon, biax sire“ (173, v. 5670).
6. L’introduction du lion à la cour du roi Arthur La dernière aventure du lion d’Yvain, son arrivée à la cour du roi Arthur, est certes, la récompense et le couronnement de leurs aventures communes, mais, une fois de plus, le comique, lui aussi, a sa place dans cette apothéose. A sa vue, les meilleurs chevaliers du monde prennent la fuite en hurlant et s’exposent ainsi au ridicule: Et que que il s’antrebeisoient, le lÿon corrant venir voient qui son seignor querant aloit. Tot maintenant que il le voit, si comance grant joie a feire; lors veïssiez genz arriers treire; trestoz li plus hardiz s’an fuit[40]. Il est peu probable qu’un public médiéval, admirateur des prouesses de cette élite de chevaliers accomplis – „li boen chevalier esleü“ (2, v. 40), comme Chrétien les appelle lui-même au début du roman – et parfaitement au courant de la docilité de l’animal ait pu s’empêcher de se moquer – ne serait-ce qu’un peu – de ses héros que le ridicule rend aussi plus humains et qu’Yvain doit rassurer du mot célèbre: de ce, s’il vos plest, me creez, qu’il est a moi, et je a lui; si somes conpaignon andui[41]. Et comme notre héros de bande dessinée ne peut pas avoir le dernier mot, il a droit à une derniere course: et li lyeons ne vint pas lant vers son seignor la ou il sist. Quant devant lui vint, si li fist grant joie, come beste mue[42]. Cette course folle m’ayant amenée à ma conclusion, je tiens à souligner encore une fois qu’il faut considérer cette lecture volontairement partielle et partiale de l’histoire du lion d’Yvain comme bande dessinée avec précaution. Que l’on ne s’y méprenne surtout pas: cette lecture sélective qui vise uniquement les „paillettes de comique“ dont Chrétien de Troyes parsème son récit et les parallèles entre ce dernier et les techniques de la bande dessinée, ne cherche nullement à réduire l’œuvre entière à ce niveau-là. Elle veut seulement montrer que, de même qu’un public médiéval pouvait trouver des côtés comiques aux aventures et mésaventures d’Yvain et de son lion, il est tout à fait permis au lecteur moderne d’en découvrir lui aussi (même si ce ne sont peut-être pas tout à fait les mêmes): Chrétien fournissant les instructions pour la mise en images de l’histoire du lion, il lui suffira de laisser ces images passer en revue devant son oeil intérieur pour se créer sa propre bande dessinée.
Reproductions
Ouvrages cités A. Textes
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Chrestien de Troyes, Yvain, trad. et intr. par Ilse Nolting-Hauff, München: Wilhelm Fink 1983 (Klassische Texte des Romanischen Mittelalters in zweisprachigen Ausgaben 2).
Chrétien de Troyes, Le chevalier au lion, trad. et intr. par Michel Rousse, Paris: GF – Flammarion 1990.
Chrétien de Troyes, El caballero del León, trad. et intr. par Isabel de Riquer, Madrid: El libro de Bolsillo/ Alianza Editorial 1988. B. Critique Althoff, Gerd, „Löwen als Begleitung und Bezeichnung des Herrschers im Mittelalter“, in: Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen 1994, 119-134. Dreisch, Angela von den, „Das Verhältnis Mensch-Löwe aus der Sicht einer Archäozoologin“, in: Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen 1994, 5-20. Dubuis, Roger, „Du bon usage du ‚double‘ et du ‚dédoublement‘ dans Le chevalier au lion de Chrétien de Troyes“, in: Doubles et dédoublement en littérature, éd. par Gabriel-A. Pérouse, Saint-Étienne: Publications de l’Unversité de Saint-Étienne/ Groupe Renaissance – Université Lumière – Lyon 2 1995, 15-25. Fresnault-Deruelle, Pierre, „Aspects de la Bande Dessinée en France“, in: Comics and Visual Culture. Research Studies from ten Countries/ La Bande Dessinée et la culture visuelle. Traveaux de recherche réalisés dans dix pays, éd. par Alphons Silbermann et H.-D. Dyroff, München et al.: K.G. Saur 1986, 62-78. Fresnault-Deruelle, Pierre, „Du linéaire au tabulaire“, Communications 24 (1976), 7-23 (La bande dessinée et son discours). Gaunt, Simon, Troubadours and Irony, Cambridge: Cambridge University Press 1989 (Cambridge Studies in Medieval Literature 3). Gier, Albert, „Leo est femina. Yvain, Enide und der Löwe“, in: Mittelalterbilder aus neuer Perspektive. Diskussionsanstöße zu „amour courtois“, Subjektivität in der Dichtung und Strategien des Erzählens, éd. par Ernstpeter Ruhe und Rudolf Behrens, München: Finck 1985 (Beiträge zur romanischen Philologie des Mittelalters 14), 269-288. La Grande Encyclopédie Larousse, vol. 3, Paris: Libraire Larousse 1972. Groensteen, Thierry, La bande dessinée en France. Considérations sur un art populaire et méconnu, Paris: Ministère des Affaires étrangères – adpf/CNBDI 1998. Haidu, Peter, Aesthetic Distance in Chrétien de Troyes: Irony and Comedy in „Cligès“ and „Perceval“, Genève: Droz 1968. Haidu, Peter, Lion-queue-coupée, Genève: Droz 1972. Hofer, Stefan, Chrétien de Troyes. Leben und Werke des altfranzösischen Epikers, Graz – Köln: Hermann Böhlau 1954. Kellermann, Karina, „Verkehrte Rituale. Subversion, Irritation und Lachen im höfischen Kontext“, in: Komische Gegenwelten (1999), 29-46. Komische Gegenwelten. Lachen und Literatur in Mittelalter und früher Neuzeit, éd. par Werner Röcke et Helga Neumann, Paderborn et al.: Schöningh 1999. Les Manuscrits de Chrétien de Troyes: The Manuscripts of Chrétien de Troyes (2 vols.), éd. par Keith Busby, Terry Nixon, Alison Stones et Lori Walters, Amsterdam/Atlanta GA: Rodopi, 1993 [1994]. Méla, Charles, La reine et le Graal, Paris: Seuil 1983. The New Encyclopædia Britannica, vol. 3, Chicago et al: Encyclopædia Britannica, Inc. 1994. Nilgen, Ursula, „Historischer Schriftsinn und ironische Weltbetrachtung. Buchmalerei im frühen Cîteaux und der Stein des Anstoßes“, in: Bernhard von Clairvaux. Rezeption und Wirkung im Mittelalter und in der Neuzeit, éd. par Kaspar Elm, Wiesbaden: Harrassowitz 1994, 67-140 (Wolfenbütteler Mittelalter-Studien 6). Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen, éd. par Xenja von Ertzdorff, Amsterdam – Atlanta, GA: Rodopi 1994. Rieger, Angelica, „‘En esto sigo la antigua usanza de los andantes caballeros’. Zur Rezeption der Geschichte des Ritters mit dem Löwen bei Cervantes“, in: Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen 1994, 419–449. Rieger, Angelica, „Ins e·l cor port, dona, vostra faisso – Image et imaginaire de la femme à travers l’enluminure dans les chansonniers de troubadours“, Cahiers de Civilisation Médiévale 28 (1985), 385–415. Rieger, Dietmar, „‘Il est à moi et je a lui‘. Yvains Löwe – ein Zeichen und seine Deutung“, in: Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen 1994, 245-285. Röcke, Werner, „Inszenierungen des Lachens in Literatur und Kultur des Mittelalters“, in: Paragrana. Internationale Zeitschrift für historische Anthropologie 7 (1998), 73-93 (vol. 7: Kulturen des Performativen, éd. par Erika Fischer-Lichte et Doris Kolesch). Teuber, Bernhard, „Vom mittelalterlichen zum frühneuzeitlichen Lachen? Das Fabliau des französischen Mittelalters und Rabelais‘ komischer Roman“, in: Komische Gegenwelten (1999), 237-249. Watanabe, Kôji, „La structure du Chevalier au lion (Yvain) et l’ironie de Chrétien de Troyes“, Nagoya Studies in Humanities 22 (1993), 51-73 et 23 (1994), 55-76 (en japonais). The World Encyclopedia of Comics, éd. par Maurice Horn, 2 vols., New York: Chelsea House Publishers 1976.
Notes
[1] Haidu (1972), 65s.; Méla (1983), 79. Il est inutile d’entreprendre ici le résumé des multiples tentatives d’interprétation du lion dans Yvain: un tour d’horizon complet de la recherche se trouve chez D. Rieger (1994), 257-273. V. aussi A. Rieger (1994), 425, n.13, ainsi que M. Rousse dans sa traduction d’Yvain (1990), 332, nn.76s.; je regrette de n’avoir pu consulter Watanabe (1993/94, en japonais). [2] V. p.ex. Dubuis (1995). Cette dernière interprétation ne contredit d’ailleurs nullement celle du lion comme héros de bande dessinée, car „les comics sont lieu d’une ‚mise en abîme‘“ (Fresnault-Deruelle 1986, 76). [3] Pour cette distinction v. p.ex. Teuber (1999): „Vom mittelalterlichen zum frühneuzeitlichen Lachen“, avec de plus amples références bibliographiques de Bergson à Bachtin (249); et Komische Gegenwelten (1999), surtout Kellermann, 29-46; ainsi que Röcke (1998) et Gaunt (1989), 5-38: „Irony: medieval and modern“; et, sur Chrétien de Troyes en particulier, Haidu (1968). Sur l’emploi ironique du lion dans la perspective de l‘historien, v. – à propos des différentes fonctions médiévales du lion – Althoff (1994), 134: „Überraschender [...] aber war für mich die Entdeckung, daß man die Löwen-Bezeichnung auch augenzwinkernd ironisch verwenden konnte. Die Bezeichnung ‚Löwe‘ für Otto den Großen akzentuierte andere Eigenschaften seines Trägers als Stärke und Mut, nämlich ein ausgeprägtes Ruhebedürfnis, um nicht zu sagen eine ausgeprägte Trägheit“. [4] V. p.ex. U. Nilgen (1998); et A. Rieger (1985). [5] V. p.ex. Les Manuscrits de Chrétien de Troyes (1993), vol. 2, 463s., fig. 240 - 243 (Princeton, UL, Garrett, 125, ff. 26v 37, 56v et 58v); ainsi que 502-507, fig. 311 et 315-318 (Paris BN fr. 1433, ff. 67v, 85, 90, 104 et 118). Dans la partie Gauvain de Perceval, celui-ci en affronte un spécimen particulièrement effrayant dans l’épisode du lit de la merveille (ibid., 511, fig. 326, Paris, BNF fr. 12577, f. 45). [6] Pour la description et la datation de ces manuscrits v. ibid., cat. 27 (56s.) et cat. 38 (73-75). [7] V. p. ex., en comparaison avec les manuscrits médiévaux (notamment figs. 1 et 7), le lion figurant dans une page extraite de Tarzan, d’Edgar Rice Burroughs (fig. 9). [8] Ce sont, sur ff. 26v, 37, 38, 52, 56v et 58v: ff. 26v, 37, 56v et 58v (ici fig. 1-4). [9] Il s’agit évidemment d’une espèce de dragon, mais je préfère – comme la plupart des traducteurs - garder le terme voisin de l’ancien français. [10] Ce sont, sur ff. 61, 67v, 72,v, 80v, 85, 90, 104 et 118: ff. 85, 90, 104 et 118 (ici fig. 5-8). [11] D. Rieger (1994), 284. [12] La ‚mise en parole‘ d’une bande dessinée, impliquant la possibilité de l’opération inverse de la mise en images du texte de Chrétien, confirme ce procédé: „Avant la Seconde Guerre mondiale, lors d’une grève des journaux new-yorkais, le maire de la ville, F. La Guardia, qui soignait sa popularité, lut et commenta à la radio les comics qui paraissaient habituellement dans les journaux. Les nécessités du temps faisaient ainsi ressortir qu’un feuilleton pouvait connaître temporairement une version ‚métalinguistique‘ pourvu que la fonction phatique fût préservée. Le référent iconique présent à l’esprit, les auditeurs pouvaient embrayer sur l’émission sans trop de déperdition fantasmatique“ (Fresnault-Deruelle, 1976, 7). [13] Fresnault-Deruelle (1976), 7. Pour la définition de la bande dessinée comme témoignage de la culture visuelle de ses ‚lecteurs‘, je me base sur les articles de Pierre Fresnault-Deruelle (1976 et 1986). De plus amples références bibilographiques s’y trouvent surtout (1986), 77, n. 8; v. aussi Groensteen (1998). [15] Éd. citée: (1978); trad. citée: (1990). [16] Éd., 102, vv. 3344-47: „Il vit, dans une clairière, un lion aux prises avec un serpent qui le tenait par la queue et qui lui brûlait les flancs d’une flamme ardente“ (199). [17] Et les miniaturistes médiévaux offrent, en effet, d’autres prises de vue, comme celle où le serpent s’enroule autour du corps du lion pour l’empêcher de se défendre lui-même, v. supra et fig. 5. [18] Éd. 103, vv.3378-3383: „Mais il fut obligé de couper un bout de la queue du lion parce que la tête du serpent perfide y était accrochée. Il en trancha donc ce qu’il fallut: il lui était impossible d’en prendre moins“ (200). [19] V. surtout A. von den Driesch et Gerd Althoff in Die Romane von dem Ritter mit dem Löwen (1994); ainsi que M. Rousse, dans sa traduction d’Yvain (1990), figs. 1-3, après 224. [20] Éd. 103s., vv. 3392-3397: „Il tendait vers lui ses pattes jointes, et inclinait à terre son visage. Il se dressait sur ses pattes arrière, et s’agenouillait ensuite, tout en baignant humblement sa face de larmes“ (201). [21] Éd. 105, vv. 3445-3447: „Quand il l’eut tué, il le jeta sur son dos et alla le porter aux pieds de son maître“ (203). [22] Éd. 107, vv. 3500-3505: „Le lion crut voir mort son compagnon et son maître. Jamais vous n’avez entendu retracer une douleur plus grande que celle qu’il commença à manifester. Il se tord de désespoir, se griffe, crie“ (206). [23] Éd. 107, vv. 3506-3508: „Il veut se tuer de l’épée même qui, croit-il, a causé la mort de son bon maître“ (206). [24] V. p.ex. le lion en action à la défense de Lunete, fig. 6. [25] Éd. 107, vv. 3510-3519: „[Il] l’appuie sur un tronc qui était couché là; il cale l’autre bout contre un arbre pour l’empêcher de dévier ou de glisser quand sa poitirne le heurtera. Il était sur le point d’accomplir son dessein, quand Yvain sortit de son évanouissement. Le lion arrêta sa course, au moment même où, en plein élan, il se lançait vers la mort, tel un sanglier furieux qui ne prend garde où il fonce“ (206). [26] Éd. 108, vv. 3542-3545: „N’ai-je pas vu ce lion plongé à cause de moi dans un si profond désespoir qu’il voulait sans délai se planter l’épée dans le corps?“ (207s.). [27] V. D. Rieger (1994), 264s., et A. Gier (1985). [28] Éd. 128s., vv. 4213-4219: „A ce coup le lion se hérisse et se prépare à venir au secours de son maître; emporté par la fureur, il bondit, s’accroche au géant et fend comme il le ferait d’une écorce la peau velue qu’il porte sur lui; sous la peau, il arrache un grand moreau de la hanche“ (239). [29] Éd. 129, vv. 4221-4229: „Le géant se dégage vivement; il mugit et crie comme un taureau, car le lion l’a sérieusement blessé. Il lève à deux mains son épieu et veut frapper, mais il manque son coup: le lion a fait un bond en arrière. Le coup se perd et tombe près de Monseigneur Yvain, sans atteindre personne“ (240). [30] Éd. 129, vv.4229-4241: „Monseigneur Yvain leva son épée et lui fourra deux coups au corps. Avant que l’autre ait pu se mettre en garde, il lui avait du tranchant de l’épée séparé l’épaule du buste. Au second coup, il l’atteignit sous la mamelle droite et lui plongea toute la lame de l’épée dans le foie. Le géant s’effondre en proie aux affres de la mort (240). [31] Éd. 131, vv. 4285s.: „Je vous ai dit que mon nom était le Chevalier au Lion“ (242). [32] Éd. 137, vv. 4503-4505: „Le lion qui observe le combat, n’attend plus pour venir à l’aide de son maître, qui, lui semble-t-il, en a bien besoin“ (253). [33] Éd. 138, vv. 4515-4523: „Le lion court à son aide et se jette avec tant d’impétuosité sur le sénéchal, qui était à pied, qu’il fait voler comme fétus de paille, les mailles de son haubert. Il s’agrippe et tire si fort qu’il lui disloque l’épaule et lui emporte le cartilage avec les muscles“ (254). [34] Éd. 141s., vv. 4646-4554: „[Il] s’en va triste et inquiet à cause de son lion qu’il lui faut porter, car il est incapable de le suivre. Dans son écu, il lui fait un lit de mousse et de fougère. La couche faite, il l’y dépose le plus doucement possible, et l’emporte tout étendu au creux de son écu“ (260s.). [35] Éd. 140, vv. 4607-4609: „.Toutes les fois que vous entendrez parler du Chevalier au Lion, il s’agira de moi. C’est ainsi que je veux être appelé“ (258). [36] Éd. 168, vv. 5520-5527: „Dès qu’il les aperçoit, le lion commence à frémir, car à voir les armes qu’ils brandissent, il comprend fort bien qu’ils viennent attaquer son maître. Son poil se hérisse, sa crinière se dresse, le désir de combattre et la fureur le font trembler; il bat la terre de sa queue“ (301). [37] Il n’est pas certain que ce double renvoi à un comportement typiquement canin ait fait sourire le public médiéval; le comique de la situation se révèle davantage au lecteur moderne instruit des différences de comportement entre les espèces féline et canine. [38] Éd. 170s., vv. 5600-5607: „Il entend les coups qui s’échangent dans ce combat périlleux et déloyal. Il en éprouve une telle douleur qu’une colère folle l’envahit et le fait enrager vif. A force de fouiller, il avise le seuil que la pourriture gagnait près du sol. Il fait tant de ses griffes qu’il peut s’y glisser et passer le corps jusqu’aux reins“ (304s.). [39] Éd. 171, vv. 5622s. et 172, vv. 5641s.: „Le lion à force de gratter sous le seuil, réussit à passer. [...] [le géant survivant] craignait encore plus le lion que son maître“ (305s.). [40] Éd. 196, vv. 6449-6455: „Tandis qu’ils se désarmaient, ils virent arriver en courant le lion qui était à la recherche de son maître. Aussitôt qu’il l’aperçoit, il commence à lui faire fête. Alors vous auriez vu tous les gens refluer; même les plus hardis prennent la fuite“ (345). [41] Éd. 196s., vv. 6460-6462: „Faites-moi confiance, s’il vous plaît; car il m’appartient et je lui appartiens: nous sommes compagnons tous deux“ (345). [42] Éd. 197, vv. 6484-6487: „Et le lion s’élance vers son maître, là où il était assis. Une fois devant lui, il lui fit toutes les démonstrations de joie auxquelles une bête privée de parole peut se livrer“ (346). |
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